jeudi 8 juillet 2010

AAAaaaaaaaahhhhhhgg! Ils sont fort, ces Belges!

Patrizio Lancellotti n'est pas seulement beau, il écrit aussi de chouettes articles.
Bon, d'accord, ça tourne toujours autour d'une mitrale qui fuit et d'une échocardiographie d'effort. En Belgique, toutes les fuites mitrales pédalent, qu'elles soient symptomatique ou non, ischémique, dégénérative ou fonctionnelle. En France, comme on a déjà Le Tour, on préfère ne pas trop se faire remarquer...
Dans le numéro de Juillet de Circulation, on peut donc lire ce papier : "Exercise Pulmonary Hypertension in Asymptomatic Degenerative Mitral Regurgitation, Julien Magne, PhD; Patrizio Lancellotti, MD, PhD, FESC; Luc A. Pierard, MD, PhD, FESC".
Il s'agit de 78 patients présentant des IM dégénératives grade 2 et plus, avec des surfaces d'orifices régurgitant > à 20 mm2, par prolapsus, (moyenne environ de 40 mm2) mais avec seulement 10 "flail leaflet" c'est à dire de capotage de feuillet (le plus souvent avec rupture de cordages et fuites plus volumineuses). Tous ont une échographie cardiaque de repos et une écho d'effort, puis un suivie à 2 ans.
Développer une HTAP à plus de 56 mmHg à l'effort est prédictif de la survenue de symptômes (dyspnée, FA, angor (?), nausées (??) ou syncope). Ces patients, qui ont une PAPs normale au repos et qui développent une HTAP d'effort, ont une surface d'orifice réguritant plus élevée à l'effort que l'autre groupe (50 mm2), alors même que la SOR de repos (environ 40 mm2) est la même dans les deux groupes, il y a donc une aggravation de l'IM à l'effort (vous me suivez toujours?).
L'HTAP d'effort est plus significativement corrélée à la survenue de symptômes que l'HTAP de repos (>46mmHg).
En clair, aggraver la fuite mitrale à l'effort et développer une HTAP d'effort est de mauvais pronostic fonctionnel.
Les bonnes nouvelles, c'est qu'on retombe sur le "cut-off" des recommandations de 60 mmHg de PAPs à l'effort, qui jusque-là ne reposait pas sur grand chose.
C'est aussi d'avoir un élément d'évaluation du pronostic des fuites par prolapsus bivalvulaire (46% de la population totale!), dont la quantification est complexe, et pour lesquelles la SOR est souvent dans les 20 mm2. Ces patients, souvent symptomatiques, ont une écho de repos peu alarmante, qui conduit parfois à une attitude attentiste trop prolongée, avec des lésions valvulaires qui deviennent non réparable. L'HTAP d'effort pourrait être un premier signal d'alerte pour envisager la correction chirurgicale.

Là où c'est un peu moins clair, (en tout cas pour moi...), c'est le mécanisme exact d'augmentation de la SOR à l'effort (vivement l'échographie cardiaque 3D ETT et la modélisation de l'anneau sur tout le cycle cardiaque...).
C'est aussi de comprendre pourquoi les patients asymptomatiques présentant une HTAP d'effort s'arrêtent de pédaler pour dyspnée! Ils ne sont donc peut-être pas si asymptomatique que ça...
Enfin, quantifier une IM meso-télédiastolique sur un prolapsus bi-valvulaire par la PISA est déjà un défi, alors je n'ose pas imaginer ce que ce doit être à l'effort!
Enfin, comme pour les précédents articles de cyclisme belge, avoir un pronostic moins bon n'est pas synonyme d'avoir besoin de la chirurgie, reste à prouver qu'opérer ces patients apporte un bénéfice (au patient).

Bref, j'adore. Romain, Père Noël, Bienfaiteur anonyme ou non (Me Bettencourt?), si tu lis ces lignes, je veux bien une table d'écho d'effort pour Noël!

6 commentaires:

  1. c'est bien joli tout ça. Mais en pratique, pour un cardiologue lambda qui ne fait pas que de l'ETT d'effort dans sa vie, la faisabilité d'une SOR fiable avec ces jets qui sont souvent très directionnels, ça ne me semble pas à la portée de tous. Moi je dis ça je dis rien... Maud S

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  2. Enfin une qui ne dort pas! Merci Maud!
    Ton commentaire est juste, particulièrement sur des IM par prolapsus. Le but n'est toutefois pas de la quantification d'IM à l'effort, mais de l'HTAP, ce qui semble déjà plus faisable. C'est intéressant de savoir que des fuites qui ne paraissent pas massives au repos, peuvent s'aggraver à l'effort,avec de l'HTAP, et devenir symptomatique. En tout cas ça entérine l'intérêt de l'échocardiographie d'effort dans cette indication.

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  3. En effet, il est bien entendu délicat de quantifier une IM sur prolapsus, même au repos. C'est en effet aussi complexe à l'effort, surtout lorsque l'on s'exerce peu du fait d’un volume de patients trop faible (ce qui est la norme). Cependant, ici, c'est bien la mesure de la PAP (pas toujours évidente, mais bien plus accessible que la SOR) qui aide à prédire la survenue de symptômes. Nous ne faisons dans cet article que démontrer le mécanisme explicatif du développement d’HTAP d’effort : augmentation de la sévérité de la fuite mitrale. De plus, il est également possible de prédire, avec l’écho de repos, le développement d’une HTAP d’effort avec une bonne fiabilité (article en préparation).
    Deux points supplémentaires : 1- le mécanisme expliquant pourquoi certains patients augmentent leur IM et d’autres la diminuent lors d’un effort est encore flou. Nous évoquons quelques hypothèses dans un récent papier publié dans le JACC (diminution du volume VG en TS permettant d’augmenter l’amplitude du prolapse ; augmentation de la surface annulaire mitrale, diminuant la surface de coaptation…). 2- Certains patients arrêtent de pédaler à cause d’une dyspnée excessive. Sont-ils en effet réellement asymptomatiques ? En plus de soulever le problème de l’évaluation des symptômes (surtout léger et/ou précoce) chez le patient valvulaire (même problème dans le RAC) qui demeurent trop subjective, cette observation pose une question cruciale dans le suivi de cette population : «qu’est ce qu’un vrai patient asymptomatique avec une IM chronique sévère ? »

    Bien à vous.

    Julien.

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  4. Cher Julien, merci pour ce commentaire! Concernant l'agravation de l'IM à l'effort, surtout sur des prolpasus bivalvulaires, je suis impatient de pouvoir modéliser l'anneau mitral sur tout le cycle cardiaque, (y-a t'il une déformation de l'anneau?). Le logiciel 3d ETO permet de le faire en systole, au prix d'une manipulation longue et difficile, mais je suis sûr que les constructeurs s'interresserons à cette analyse sur tous le cycle.
    De plus, même si la fuite ne parait pas massive, le recul de toute la valve dans l'oreillette en systole doit créer un impact hémodynamique sur les veines pulmonaires non négligeable. Quand le goal tombe avec le ballon dans les bras derrière la ligne du but, il y a but, non? Qu'en pensez vous?

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  5. L'anneau mitral est une structure dynamique et flexible dont la géométrie et la taille varient considérablement au cours du cycle. La modélisation 3D permet en effet de quantifier ces variations, cependant l'utilisation de cette technique au pic de l'effort sera également difficile. De plus, même si dans nos résultats il n'y a pas d'évidence allant dans ce sens, il est probable que la localisation et la morphologie du prolapse joue un rôle dans l'aggravation ou non de l'IM à l'effort.
    A priori, il y a bien but dans ces conditions! Et à volume régurgité identique, un déplacement majeur des 2 feuillets dans l'OG doit certainement avoir un impact hémodynamique plus important. Mais au delà de tout ceci, à l'instar de la sténose mitrale, la qualité de la compliance auriculaire, pourrait à mon avis, être déterminante. Les répercussions hémodynamiques pulmonaires de 75ml de sang par battements dans l'OG ne sont pas identiques dans une cavité ultra-rigide, ou ultra-compliante. Pour reprendre l'image de la gifle : à gifle identique (même vitesse, même surface de la paume), la caractéristique de la joue qui reçoit le coup peut faire la différence. Une joue épaisse et flasque (du type 1ère ligne de rugby des années 50) pourra absorber le choc, alors qu’une joue sèche et dure (type jockey de Longchamp) subira le coup.
    Bref, encore de beaux travaux de recherche en perspective… !
    Julien.

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  6. En conclusion, quand on marque au foot avec la main, on perd à la compétition d'après...Merci encore pour les commentaires, à bientôt!
    Philippe.

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