mercredi 15 décembre 2010

Ami-loïde, lève ton verre

Les critères échographiques pour l'amylose cardiaque sont pour le moins peu spécifiques. Dans le "good book" d'Eugène Braunwald cher à Grangeblanche et aux cardiologues en général, on trouve ces quelques lignes (p 1429) :
- Épaississement des parois ventriculaires
- Petites cavités ventriculaires
- Dilatation auriculaire et épaississement du septum inter auriculaire (plutôt dans les formes familiales)
- FEVG souvent étonnamment normale
- Épanchement péricardique fréquent
- Aspect granité du Septum inter ventriculaire ("granular sparkling texture")
- Dysfonction diastolique (cardiopathie restrictive)

Voici trois cas cliniques où le problème s'est posé (pour lire les vidéos en boucles, faire un click droit et "video loop is off"):
Mon premier est une coupe apicale des 4 cavités d'un patient présentant une amylose par production de transthyretine (diagnostic posé en hématologie après une biopsie des glandes salivaires -BGSA- négative) :

Untitled from fish Nip echocardiographie on Vimeo.



Mon second, plus classique, est une amylose AL (dans le cadre d'un myélome), diagnostiquée sur une deuxième BGSA (la première s'étant révélée négative...):

Untitled from fish Nip echocardiographie on Vimeo.



Et mon tout est une cardiopathie restrictive hospitalisée pour insuffisance cardiaque, et qui ressemble diablement aux petits copains du dessus! L'aspect granité, l'infiltration diffuse du septum, la dilatation auriculaire, tout y est, même l'épaississement du septum inter auriculaire!


Amylose? biopsies - from fish Nip echocardiographie on Vimeo.



Coupe sous costale, septum inter auriculaire épaissi :



Et pourtant, cette foutue BGSA est encore négative (mais ce n'est que la première...)
Pas de myélome, pas d'histoire familliale, le bilan est négatif.
Il peut toujours s'agir d'un autre type de cardiopathie infiltrative, dont la liste est résumée dans cette mise au point du JACC:
Maladie de Fabry (mais dosage d'alpha galactosidase normal),hémochromatose (mais Ferritine normale), ou encore d'une banale cardiopathie hypertensive! (Comme il s'agit d'un adulte disons... confirmé, la probabilité d'un syndrome de Danon, d'une ataxie de Friedreich, d'une oxalose ou d'une mucopolysaccharidoses est assez faible...).
Alors, vraix amis(lose) ou faux amis(lose)?

PS : Je vous entends d'ici : oui, nous avons demandé une IRM cardiaque...
PS 2 : Oui, la dernière blague est pourrie (quoi? les autres aussi???).

lundi 13 décembre 2010

Qu'est ce qu'un échographe?

"What is an Echo machine?", c'est la question posée par le Dr Kimura, dans le numéro 12 du JASE. Non pas qu'il ne connaisse pas la réponse (à voire sa liste de publication, cela parait assez improbable), mais l'arrivée sur le marché d'appareils d'échographie ultra-portables, vendus par les constructeurs comme des "stéthoscopes ultrasonores" va nécessairement bousculer le microcosme de la cardiologie non invasive.



La première interrogation, (comme souvent aux US), est d'ordre financière. Le coût de ces échographes est entre 10 000 et 50 000 dollars, ce qui est très en dessous des prix des échographes portables actuels. Leur diffusion risque donc d'être assez rapide, et pourrait généraliser un concept peu connu des américains, celui de "l'échoscopie". Ce "petit coup d'œil" échographique est très peu répandu (moins de 2% des ETT aux USA)  puisque les échos sont réalisées par des techniciens, souvent avec une demande très succincte du clinicien. Il n'y a donc pas de modalité de remboursement de l'échoscopie, et l'impact financier de cette pratique reste à définir, pour les praticiens comme pour les caisses d'assurance maladie.

Mais la question la plus intéressante reste "qu'attendons nous réellement d'une échographie cardiaque?". Ces appareils constituent une évolution majeure ("a disruptive technologie"), que l'auteur compare aux appareils photos numériques embarqués sur les téléphones portables. Pas de branchement, allumage immédiat, l'information est disponible partout (cabinet de consultation, SAMU, urgences, réanimations...). Cependant cette information est très, très, inférieure à la somme des informations obtenues par un échographe portable usuel:  seule l'échographie bidimensionnelle et Doppler couleur est disponible à ce jour.

La "bonne utilisation" de ces appareils (maintenant qu'ils sont là, ils faut bien les utiliser!) serait donc le cadre de l'urgence, qui met en valeur l'immédiateté de la réponse, à une question nécessairement simple : épanchement péricardique, épanchement pleural, aorte abdominale etc...
Les "ultra portables" doivent donc devenir des "assistants ultrasonores" à l'examen clinique, et non des échographes destinés à remplacer l'examen habituel, au risque de perdre la qualité d'une échographie cardiaque, telle qu'elle est réalisée actuellement.

L'auteur conclue par cette métaphore : si nous utilisons tous l'appareil photo de notre téléphone, nous n'engagerions pas un photographe professionnel qui ferait de même...